Une respiration. Un cri.
C’était ma première journée sur Terre.
Mais personne n’a dit « il a tes yeux ».
Aucun flash n’a immortalisé cet instant.
Sur mon petit bracelet d’hôpital, on a écrit ces lettres qui ont marqué ma vie :
« Né sous X »

X…
Comme une croix sanglante sur mes origines.
Comme un secret verrouillé dans une enveloppe qu’on ne m’a jamais donnée.
Je me suis souvent imaginé ce jour-là.
Dans cette chambre d’hôpital froide.
Ce moment précis où tu as tourné le dos et franchi la porte.
Toi qui m’as mis au monde…
As-tu serré les poings jusqu’à te faire des marques rouge sang sous les ongles pour ne pas pleurer ?
As-tu regardé mon visage une dernière fois ? Pour graver mes traits minuscules dans ta mémoire comme une photo mentale que tu garderais à vie ?
As-tu couru dans le couloir pour t’enfuir au plus vite… ou as-tu ralenti tes pas, déchirée entre partir et rester ?
Je ne t’en veux pas.
Plus maintenant.
Tu sais, j’ai grandi avec ce trou béant dans la poitrine.
Pas une blessure qui saigne. Non.
Plutôt un froid glacial qui s’infiltre dans mes os.
Ce sentiment d’être « de trop » dès ma première respiration en ce monde.
À l’école, les autres parlaient de ressemblances avec papa ou maman.Ils montraient fièrement leurs dessins de famille au feutre de couleur.
« Regarde, j’ai les mêmes yeux que papa ! »
« Moi j’ai le nez de maman ! »
« Et moi, j’ai les cheveux bouclés comme grand-mère ! »

Moi, je voulais fuir cette question qui me brûlait le ventre.
Et pourtant…
Aujourd’hui, j’ai besoin de te dire merci.
Pas un merci forcé qu’on dit par politesse.
Pas un merci amer qu’on crache entre ses dents.
Un vrai merci du fond du cœur.
Parce que ce vide m’a forcé à me chercher.
À me construire brique par brique. À me choisir chaque jour.
Il m’a fallu des années de lutte contre ce démon nommé Abandon.
Pour affronter ces questions qui tournaient dans ma tête comme un manège infernal :
« Pourquoi moi ? »
« Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? »
« Est-ce que je te ressemble ? »
Mais un jour… j’ai enfin compris quelque chose.
Je ne saurais jamais exactement ce que tu as vécu dans cette chambre d’hôpital…
.. je n’ai pas besoin de savoir pour guérir.
Ce jour-là, j’ai commencé à t’imaginer autrement.
Pas comme une ombre noire qui fuit dans mes cauchemars.
Mais comme une femme vraie. Sincère. Vulnérable.
Peut-être très jeune. Seize ans ? Dix-sept ?
Peut-être terrifiée et complètement seule face à cette décision impossible.
Peut-être que tes parents t’ont menacée de te couper les vivres.
Peut-être que tu as pris cette décision en tremblant, en pensant que c’était la meilleure pour nous deux.
…
Peut-être que tu m’as aimé… à ta façon.
Assez fort pour me laisser partir…
En espérant une vie meilleure pour moi que celle que tu pouvais m’offrir à ce moment-là.
Et tu sais quoi ?
Je suis encore là.
Debout. Vivant. Apaisé.
J’ai bâti ma propre famille avec des gens qui m’ont choisi.
Aujourd’hui, je ne scrute plus chaque inconnue dans la rue en me demandant « Et si c’était elle ? »
Je t’imagine avec tendresse, où que tu sois sur cette planète.
Et je te remercie en silence au plus profond de mon cœur.
Tu m’as donné la vie.
Le reste… j’ai trouvé la force de m’en occuper moi-même.
Je suis né sous X.
Mais aujourd’hui, je vis en grâce.
Et si, par hasard, un jour tu lis ces mots — si tu es quelque part, sur cette Terre, et que tu portes encore ce poids écrasant dans ton cœur — sache que je vais bien.
Et que je t’ai pardonnée.
Je te libère de ta culpabilité.
Elle n’a plus sa place entre nous.
Et à toutes les femmes qui me lisent…
Celles qui ont donné, perdu, ou été quittées…
Je vous écris avec mon cœur grand ouvert.
Je pense à ces silences glacés qui ont marqué vos vies.
À ces absences douloureuses qui ont laissé des cicatrices invisibles sur votre âme.
Vous qui avez offert tant d’amour… parfois sans retour.
Vous qui avez vu partir ceux que vous aimiez plus que votre propre vie.
Vous qui avez été abandonnées sans un mot d’explication. Sans même un au revoir.
Sachez que votre douleur est entendue et comprise.
Il existe des blessures que le temps ne guérit jamais complètement.
Des questions sans réponses qui vous réveillent à 4h du matin, le cœur qui bat à 100 à l’heure.
Mais il existe aussi des forces incroyables qui naissent de ces épreuves.
Vous avez continué, malgré tout.
À avancer pas à pas sur ce chemin semé d’embûches.
À aimer encore, même avec le cœur criblé de cicatrices.
À espérer toujours, même dans les moments les plus sombres.
Je vous écris pour vous rappeler une vérité que vous avez peut-être oubliée :
Dans l’ombre la plus noire, vous êtes lumière.

Votre capacité à aimer, à pardonner, à reconstruire est une force admirable.
Chaque larme versée a nourri la femme forte et résiliente que vous êtes devenue aujourd’hui.
Et il n’est jamais trop tard pour aimer autrement.
Il n’est jamais trop tard pour vous choisir, pour vous chérir, pour renaître.
Même à 50 ans. Même à 60. Même à 70…
Il n’est jamais trop tard.
À vous, femmes au courage immense, je rends hommage.
Avec tout mon respect et mon admiration infinie,
Maksim

P.S. : Si cette lettre résonne en vous, n’hésitez pas à la partager à une femme qui en aurait besoin. Parfois, c’est exactement le message qu’elle attendait sans le savoir.




